samedi 23 février 2013

Intérêts notionnels - Déduction pour capital à risque


CIRC 03.04.08/1

Circulaire n° Ci.RH.840/592.613 (AFER 14/2008) dd. 03.04.2008


DEDUCTION POUR CAPITAL A RISQUE
   Base de la déduction

   Mesure anti-abus de droit
   Requalification d'un acte

IMPOT DES SOCIETES
   Déduction pour capital à risque

SIMULATION
   Moyen de preuve de l'administration

Voir aussi circulaire Ci.RH.840/592.613 (AFER 14/2008) dd. 02.06.2008.

CIRCULAIRE RELATIVE A LA DEDUCTION POUR CAPITAL A RISQUE

    1. La déduction pour capital à risque a été introduite dans les articles 205bis et suivant du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après "CIR 92") par la loi du 22 juin 2005 (1), dans le but essentiellement de renforcer les fonds propres des entreprises (particulièrement dans les PME), améliorer leur solvabilité, offrir une alternative aux centres de coordination, maintenir l'ancrage en Belgique de grands groupes industriels, de la finance et des services, et restaurer la compétitivité fiscale de la Belgique sur la scène internationale en ramenant la Belgique dans la moyenne européenne en ce qui concerne son taux effectif d'imposition.

[(1) La loi du 22 juin 2005 (MB du 30 juin 2005) a inséré, dans le titre III du Code des impôts sur les revenus, une nouvelle sous-section intitulée "Déduction pour capital à risque" et comprenant les articles 205bis à 205nonies. Cette loi a été complétée par un arrêté royal du 17 septembre 2005 (MB du 3 octobre 2005). Elle a ensuite été modifiée par l'article 115 de la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte de solidarité entre les générations qui a été publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2005.]

    Cette mesure structurelle et non conditionnée vise donc avant tout à créer un climat le plus favorable possible au développement des activités économiques, ce qui constitue un préalable indispensable pour restaurer la confiance, relancer ensuite l'emploi et assurer une prospérité durable au pays.

    2. Sa stabilité et sa pérennité dépendent toutefois du bon usage qu'en feront les entreprises. Il est en effet essentiel que les entreprises confortent cette mesure par leur comportement ("uti non abuti"), particulièrement en évitant de mettre en place des plannings agressifs par des constructions visant à accroître de manière purement artificielle leurs possibilités de déduction.

    3. La loi du 22 juin 2005 et le CIR 92 prévoient à cet effet une série de dispositions de nature à prévenir tout usage abusif éventuel de la déduction pour capital à risque.

    La présente circulaire a pour objet de commenter ces différentes dispositions anti-abus en vue d'attirer spécifiquement l'attention des fonctionnaires-taxateurs sur leur application dans le cadre de la déduction pour capital à risque. Ce commentaire est précédé d'un rappel des principes généraux applicables en matière de simulation (un inventaire des décisions judiciaires en matière de simulation sera encore réalisé et adressé ultérieurement à tous les centres de contrôle de l'impôt des sociétés ainsi qu'au service de l'inspection spéciale des impôts).

 PRINCIPES GENERAUX APPLICABLES EN MATIERE DE SIMULATION

    4. Les principes généraux applicables en matière de simulation sont résumés dans le commentaire du Code des impôts sur les revenus 1992 aux numéros 340/75 à 81 (voir texte en annexe 1).

    5. Il importe tout d'abord de rappeler que la simulation est une notion de droit civil qui ne fait l'objet d'aucune disposition spécifique en droit fiscal. En vertu de la primauté du droit civil sur le droit fiscal, il convient dès lors de définir la simulation par référence au droit civil.

    En matière contractuelle, la simulation peut se réaliser soit en créant un acte apparent qui ne correspond à aucune opération réelle, soit en déguisant totalement ou partiellement un acte véritable sous l'apparence d'un autre (Cass., 14.4.1964, SA en liquidation Société de Transactions Immobilières, Bull. 419, p. 1028). Elle s'évalue au moment de la formation du contrat.

    La simulation peut porter sur la nature de l'acte (sa qualification juridique), sur un de ses éléments, sur l'identité des parties et même - quod non - sur l'existence même de l'acte (qui est alors fictif).

    6. Afin de déceler l'existence d'une simulation, il s'agit en pratique de vérifier si l'acte ostensible ou l'ensemble des actes correspond ou non à la réalité de ce que les parties ont réellement convenu en droit (c'est-à-dire si les parties en ont ou n'en ont pas accepté toutes les conséquences juridiques), et, dans la négative, de déterminer quel est l'acte réel qui a été conclu par les parties.

    L'administration peut faire la preuve de l'existence d'actes qui lui sont cachés et, le cas, échéant, du caractère fictif ou simulé d'actes qui lui sont opposés et auxquels elle n'est pas partie. Elle peut faire cette preuve par toutes voies de droit et notamment par présomptions (voir Com.IR 92, n° 340/78). Des exemples de simulations sont donnés au n° 340/80 du Com.IR 92.

    7. Il importe enfin de rappeler que la simulation ne doit pas être confondue avec le choix de la voie la moins imposée qui reste un principe fondamental de notre système fiscal. (…)

DISPOSITIONS ANTI-ABUS SPECIFIQUES CONTENUES DANS LA LOI DU 22 JUIN 2005

Diminution du "capital à risque" à concurrence de la valeur fiscale nette de certaines actions et parts

    8. La base de calcul de la déduction pour capital à risque, à savoir, en principe, le montant des fonds propres de la société figurant au bilan à la fin de la période imposable précédente, est diminuée à concurrence de la valeur fiscale nette (1) des immobilisations financières consistant en participations et autres actions et parts, et des actions ou parts émises par des sociétés d'investissement dont les revenus éventuels sont susceptibles d'être déduits des bénéfices en vertu des articles 202 et 203.

[(1) La référence à la valeur fiscale nette permet d'éviter une double déduction des plus-values de réévaluation de la base de calcul de la déduction. Elle permet également d'éviter une double déduction des réductions de valeur, la valeur fiscale nette étant celle visée au commentaire administratif n° 211/37, comme le Vice-Premier Ministre et Ministre des Finances a pu le confirmer en séance plénière de la Chambre (Ann. Parl., Chambre, 2004-2005, n° 144, p. 17).]

    Cette disposition a pour but d'éviter une application "en cascade" de la déduction pour capital à risque (les mêmes fonds propres donnant droit à la déduction pour capital à risque chez plusieurs sociétés différentes) et comble une lacune que l'on trouvait, par exemple, dans l'arrêté royal n° 15 du 9 mars 1982 portant encouragement à la souscription ou à l'achat d'actions ou parts représentatives de droits sociaux dans des sociétés belges, où la jurisprudence a dû intervenir pour éviter certains abus (voir Cassation, 4 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 410, et FJF, n° 91/53).

    9. En cas de vente d'actifs (par exemple des actions), le fonctionnaire-taxateur sera attentif à vérifier si le prix de cession ou le prix de réalisation correspond bien à la valeur de marché des actifs transférés et si les conditions de paiement du prix (paiement échelonné ou différé) correspondent aux conditions de marché, de manière à éviter une création artificielle de fonds propres.

Diminution du "capital à risque" à concurrence de la valeur comptable nette des actifs corporels dans la mesure où les frais y afférents dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels

    10. L'article 53, 10°, du CIR 92 permet à l'Administration de rejeter la déduction au titre de frais professionnels de tous frais "dans la mesure où ils dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels".

    Dans le cadre de la déduction pour capital à risque, le législateur a logiquement étendu l'application de cette disposition aux actifs qui répondent à cette condition (antiquités, voitures de luxe, …). Les instructions administratives et la jurisprudence relatives à l'article 53, 10°, serviront de guide à l'application de cette règle anti-abus dans le cadre de la déduction pour capital à risque.

Diminution du "capital à risque" à concurrence de la valeur comptable des éléments détenus à titre de placement et qui, par leur nature, ne sont normalement pas destinés à produire un revenu périodique imposable

    11. Conformément à l'article 205ter, § 4, 2° du CIR 92, la base de calcul de la déduction pour capital à risque doit être diminuée de la valeur comptable des éléments détenus à titre de placement et qui, par leur nature, ne sont normalement pas destinés à produire un revenu périodique imposable.

    Dans l'exposé des motifs (Doc 51-1778/001, pp. 13 et s.), cette disposition anti-abus est commentée de la manière suivante. Pour être visé par la disposition, un actif doit répondre à deux conditions cumulatives :

"La première condition est abstraite. Il doit s'agir d'un actif qui par sa nature, n'est normalement pas destiné à produire un revenu imposable périodique. Cela vise notamment les bijoux, les métaux précieux et les œuvres d'art, mais non, par exemple, les immeubles bâtis. Cette première condition a trait à la seule nature de l'actif considéré et est indépendante des conditions concrètes dans lesquelles il est utilisé par la société. La notion de revenu périodique exclut non seulement les plus-values mais aussi les revenus exceptionnels et marginaux, comme ceux que l'on pourrait tirer de la location occasionnelle d'une oeuvre d'art."

"La seconde condition est concrète: l'actif concerné doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être détenu à titre de placement. Cette notion doit être appréciée en fait et de manière autonome. Il s'agit d'actifs détenus passivement, sans servir directement ou indirectement à l'exercice d'une activité économique effectivement exercée par la société, telle qu'une activité commerciale, industrielle, agricole ou l'exercice d'une profession libérale. Est détenu à titre de placement, pour l'application de la disposition, l'élément d'actif qui, si la société était une personne physique, ferait partie de son patrimoine privé plutôt que d'être affecté à l'exercice de son activité professionnelle. La disposition ne vise donc pas, par exemple, les terrains des sociétés exerçant une activité agricole ou les bijoux et œuvres d'art détenus en stock par les sociétés ayant pour activité d'en faire le commerce effectif."
    Cette disposition vise à éviter qu'un contribuable ne "gonfle" artificiellement les fonds propres d'une société en lui transférant des biens qui ne sont aucunement utilisés pour l'activité professionnelle de la société. Ainsi, il ne serait pas possible pour un groupe belge ou étranger d'utiliser artificiellement la déduction pour capital à risque en capitalisant massivement une société belge en lui apportant, par exemple, la collection d'œuvres d'art du groupe ou d'un de ses actionnaires.

    12. Dans la réponse à la question parlementaire orale n° 10565 du 24 février 2006 posée par M. Carl Devlies, le Ministre des Finances a répondu que les actions de capitalisation (détenues à titre de placement) "émises par des sociétés d'investissement - c'est-à-dire des actions pour lesquelles le paiement d'aucun dividende ordinaire n'est prévu dans les statuts - sont toujours exclues du régime de la déduction comme prévu aux articles 202 et 203 du CIR 92 et du régime d'exonération des plus-values comme prévu à l'article 192 du CIR 92. De par leur nature, ces actions détenues à titre de placement ne sont normalement pas destinées à produire un revenu périodique imposable, de sorte que leur valeur comptable doit être déduite du capital à risque conformément à l'article 205ter, § 4, 2° du CIR 92" (question n° 10565 du 24 février 2006, Commission des Finances et du Budget, Chambre, CRA 51 COM 873, 7 mars 2006, pp. 22-23).

    13. Pour les revenus autres que ceux d'actions, le Ministre des Finances a répondu que : "sont à ranger parmi les actifs censés générer des revenus périodiques imposables :

les titres dont les revenus sont capitalisés;

et les titres qui ne donnent pas lieu à un paiement périodique de revenus et qui ont été émis avec un escompte correspondant aux intérêts capitalisés jusqu'à l'échéance,
    lorsque, la partie des intérêts courus afférente à une période imposable est en application de l'article 362bis, du Code des impôts sur les revenus 1992, considérée comme un revenu imposable de cette période." (question n° 1428 du 16 octobre 2006, M. Carl Devlies, QRVA, 51, session 150, p. 29.107).

Diminution du "capital à risque" à concurrence de la valeur comptable de biens immobiliers ou autre droits réels sur de tels biens dont ont l'usage des personnes physiques qui exercent un mandat ou des fonctions visés à l'article 32, alinéa 1er, 1°, CIR 92, leur conjoint ou leurs enfants lorsque ces personnes ou leur conjoint ont la jouissance légale des revenus de ceux-ci

    14. Cette disposition permet d'éviter que les dirigeants d'entreprise ne se voient accorder un avantage supplémentaire en bénéficiant, à la fois, de la taxation forfaitaire sur la libre disposition d'un logement de la société qu'ils dirigent, et de la déduction pour capital à risque pour ce même logement.

    15. En cas de location, le fait que le mandataire paie ou non un loyer conforme au prix du marché ne joue aucun rôle (Ann. Parl., C.R.I., Chambre, 2004-2005, n° 144, p. 24). Sur ce point, on consultera utilement la décision anticipée n° 600.104 du 4 mai 2006 du Service des décisions anticipées en matière fiscale qui précise que la mesure anti-abus s'applique bien à des terrains qui sont donnés en bail à ferme et de carrière (moyennant le paiement d'un loyer) par une société à ses dirigeants.

    16. En cas d'immeubles à usage mixte, il est renvoyé à la réponse à la question parlementaire n° 13560 du 10 janvier 2007, Bart Tommelein, Commission des Finances et du Budget, Chambre, CRIV 51 COM 1152, 10 janvier 2007, pp. 8-9, (cas d'un hangar attenant à une maison d'habitation - voir annexe 2) et à la réponse à la question parlementaire n° 15065 du 17 avril 2007, Luc Gustin, Commission des Finances et du Budget, Chambre, CRIV 51 COM 1278, 17 avril 2007, pp. 27-28, (cas d'un rez-de-chaussée utilisé entièrement à des fins professionnelles - voir annexe 3).

DISPOSITIONS ANTI-ABUS CONTENUES DANS LE CODE DES IMPOTS SUR LES REVENUS

Mesure générale anti-abus

    17. L'article 344, § 1er, CIR 92, prévoit que "n'est pas opposable à l'administration des contributions directes, la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu'à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l'administration constate, par présomptions ou par d'autres moyens de preuve visés à l'article 340, que cette qualification a pour but d'éviter l'impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique".

    Cette disposition permet donc également à l'administration de requalifier dans son ensemble une opération qui aurait été artificiellement décomposée en actes distincts, afin que soit imposée l'opération que les parties ont réellement conclue (cfr. Cass. 21 avril 2005, Cass. 22 novembre 2007).

    Les instructions administratives et la jurisprudence relatives à l'article 344, § 1er, CIR 92, serviront de guide à l'application de cette règle anti-abus dans le cadre de la déduction pour capital à risque (voir notamment Com.IR 92, Circ. n° Ci.D.19/453.895 du 6 décembre 1993, Cass. 4 novembre 2005, Cass. 22 novembre 2007).

    Il appartiendra en particulier aux fonctionnaires-taxateurs de vérifier si l'article 344, § 1er, CIR 92, peut être appliqué.

Perte de la déduction pour capital à risque reportée en cas de prise ou de changement de contrôle de la société qui ne répond pas à des besoins légitimes de caractère financier ou économique

    18. Afin d'éviter un "commerce" à des fins purement fiscales de sociétés ayant des pertes professionnelles antérieures, des déductions pour investissement reportées ou des déductions pour capital à risque reportées, l'article 207, alinéa 3, CIR 92 prévoit que ces éléments deviennent caducs si la société subit une prise ou un changement de contrôle qui n'est pas justifié par des besoins légitimes de caractère financier ou économique.

Déduction à titre de frais professionnels des intérêts d'emprunts contractés pour financer un apport en capital

    19. Conformément à l'article 49 du CIR 92, les intérêts d'emprunts contractés par une société en vue de financer l'acquisition d'éléments d'actif sont en principe déductibles à titre de frais professionnels, moyennant le respect de certaines conditions. L'acquisition d'actions et parts de sociétés ou la capitalisation de sociétés ne font pas exception à ce principe.

    20. La déduction des intérêts d'emprunt est ainsi soumise à une série de conditions, destinées à éviter les abus, prévues tantôt par certaines dispositions particulières du Code des impôts sur les revenus 1992, tantôt dégagées par la jurisprudence. Ces conditions sont applicables aux intérêts contractés en vue de capitaliser une société qui bénéficie de la déduction pour capital à risque.

    Les dépenses qui ne se rattachent pas à l'objet social de la société ne sont pas déductibles comme frais professionnels (Cassation, 18 janvier 2001, Pas., 2001, I, n° 34 ; Cassation, 3 mai 2001, Pas., 2001, I, n° 253 ; Cassation, 19 juin 2003, Pas., 2003, n° 367 ; Cassation, 9 novembre 2007, n° C.06.0251.F).

    21. La même approche doit être suivie en ce qui concerne la déduction d'intérêts d'emprunts contractés en vue de financer des opérations qui ne sont pas susceptibles de produire un résultat net positif avant impôt mais uniquement un avantage fiscal (cf. Liège, 22 septembre 1999, FJF, n° 2000/50; Mons, 25 mai 2001, FJF, n° 2001/286).

Avantages anormaux ou bénévoles reçus

    22. Les articles 207, alinéa 2, et 79, CIR 92, interdisent à une société d'imputer une série de déductions fiscales, y compris la déduction pour capital à risque, sur la partie de son résultat qui provient "d'avantages anormaux ou bénévoles" que la société "a retirés, directement ou indirectement, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, d'une entreprise à l'égard de laquelle elle se trouve directement ou indirectement dans des liens d'interdépendance".

    23. Par anormal, est visé un avantage "qui est en opposition avec le cours normal des choses, des règles et des usages établis ou encore, qui est en opposition avec ce qui, dans des cas semblables, est d'usage" (Com.IR 26/16).

    Sont considérés comme bénévoles "les avantages qui sont accordés sans qu'ils constituent l'exécution d'une obligation ou ceux qui sont accordés sans aucune contrepartie" (Com.IR 26/16). Ces commentaires s'appliquent mutatis mutandis à l'article 79 du CIR 92 (Com.IR 79/5).

    24. L'attention est attirée sur le fait que cette disposition est applicable même si la société effectue une prestation d'une valeur équivalente à l'avantage qu'elle obtient.

    Dans son arrêt en cause ABM International du 29 avril 2005, la Cour de Cassation a en effet indiqué clairement que "le juge qui est appelé à contrôler si les avantages fiscaux réalisés par le contribuable doivent être qualifiés "d'anormaux ou de bénévoles" au sens de l'article 79 peut examiner si ces avantages ont été obtenus dans des circonstances anormales dans le cadre d'opérations qui ne peuvent être expliquées par des objectifs économiques mais uniquement par des fins fiscales" et que le juge n'est pas tenu de "limiter son examen au caractère équivalent de la contre-prestation dans l'opération juridique, sans pouvoir prendre en considération la justification économique des opérations dans le cadre desquelles l'avantage est obtenu" (voir également en ce sens Cass. 23 février 1995).

    Le fonctionnaire-taxateur devra vérifier, le cas échéant, si le résultat sur lequel la société entend imputer la déduction pour capital à risque ne provient pas d'une opération obtenue dans des circonstances anormales et justifiée non par des objectifs économiques mais uniquement par des fins fiscales.

    25. En principe, cette disposition ne s'applique pas aux sociétés dont l'agrément comme centre de coordination est venu à échéance (ou qui y renoncent) et qui poursuivent leurs activités (centre de trésorerie, société de financement, banque interne du groupe, etc.) au sein de la même entité ou d'une autre entité du groupe en Belgique qui bénéficie du régime de la déduction pour capital à risque.

    De même, cette disposition ne doit en principe pas non plus être utilisée pour remettre en cause des opérations légitimes consistant pour un groupe à centraliser des activités de financement dans une société spécialisée ou à isoler dans une filiale spécialisée les activités relatives à un métier ou à des produits particuliers, dès lors que ces opérations ont un sens du point de vue économique et ne constituent donc pas des montages purement artificiel à but exclusivement fiscal. A titre d'exemple, on peut consulter utilement la décision du Service des décisions anticipées en matière fiscale n° 600.167 du 3 octobre 2006.

    Par contre, le fonctionnaire taxateur pourra refuser l'imputation de la déduction pour capital à risque sur des bénéfices réalisés dans des montages purement artificiels.

Restructurations

    26. L'article 211, § 1er, al. 1er, CIR 92 prévoit un régime de neutralité fiscale pour les opérations de fusion, de scission ou d'opération assimilée à une fusion par absorption, visées à l'article 210, § 1er, 1°, et en cas d'opération assimilée à la scission, visée à l'article 210, § 1er, 1°bis. L'alinéa 2 prévoit, entre autres conditions, que ce régime de neutralité n'est applicable qu'à la condition que "3° l'opération réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique".

    27. L'attention est également attirée sur l'avis du 4 décembre 2007 du Collège du Service des décisions anticipées en matière fiscale. Cet avis précise qu'une plus-value d'apport de fusion, telle que visée par l'article 211, § 1er, al. 1er, 1°, CIR 92, est assimilée à une plus-value exprimée mais non réalisée visée à l'article 44, § 1er, 1°, CIR 92. Cette plus-value doit donc être exclue de la base de calcul de la déduction pour capital à risque, comme prévu à l'article 205ter, § 5, CIR 92.

    Le Ministre,

    D. REYNDERS



ANNEXE 1

VII. PREUVE DE L'EXISTENCE OU DU CARACTERE FICTIF OU SIMULE D'ACTES

A. Généralités
Numéro 340/75

    L'administration peut faire la preuve de l'existence d'actes qui lui sont cachés et, le cas, échéant, du caractère fictif ou simulé d'actes qui lui sont opposés et auxquels elle n'est pas partie.

    Elle peut faire cette preuve par toutes voies de droit et notamment par présomptions (voir 340/78).

    Elle peut également prouver par toutes voies de droit, la fraude fiscale, même contre et outre le contenu des actes qu'on lui oppose (Cass., 17.5.1955, Van Dessel, Pas. 1955, I, 1022).

    Ces droits reconnus à l'administration trouvent leur fondement dans le principe suivant lequel les impôts sur les revenus ne tiennent compte ni des apparences, ni des fictions, mais se fondent sur la réalité (Cass., 18.10.1949, SA Ets. Peeters-Van Roye, Bull. 252, p. 14; 20.3.1958, Delafontaine, Pas. 1958, I, 805).

B. Preuve de l'existence d'un acte ou convention
Numéro 340/76

    Il a été jugé que le juge du fond a pu légalement déduire, par présomptions de l'homme, l'existence d'une Convention de remise de dette entre une société de personnes a responsabilité limitée et l'un de ses associés (Cass., 20.6.1961, Gardier, Charles, Bull. 384, p. 397).

C. Preuve de la simulation d'un acte

1. Comment la simulation peut se réaliser
Numéro 340/77

    En matière contractuelle, la simulation peut se réaliser soit en créant un acte apparent qui ne correspond à aucune opération réelle, soit en déguisant totalement ou partiellement un acte véritable sous l'apparence d'un autre (Cass., 14.4.1964, SA en liquidation Société de Transactions Immobilières, Bull. 419, p. 1028).

2. L'administration peut prouver le caractère fictif d'un acte
Numéro 340/78

    L'administration peut établir par toutes voies de droit, et notamment par présomptions, le caractère fictif ou simulé des actes qui lui sont opposés et auxquels elle n'est pas partie (Cass., 18.9.1962, Baert Julien, Bull. 397, p. 1078; 10.12.1963, SA civile immobilière Van Trappen, Pas. 1964, I, p. 387; 28.1.1964, SA Helman Céramic, Bull. 416, p. 286; 9.3.1965, SA Ets. Rose-Marie Darquenne, Pas. 1965, I, p. 716), et ce, nonobstant les mentions de la comptabilité du contribuable et l'existence de certaines opérations, telles des transferts de fonds qui peuvent avoir pour but de donner à l'acte fictif une apparence de réalité (Cass., 8.5.1962, Smis, Georges, Bull. 394, p. 496).

    Lorsqu'il s'agit d'un acte authentique, il y a cependant lieu de faire une distinction entre, d'une part, ce que le fonctionnaire public qui a dressé l'acte a constaté et dont le contraire ne peut être démontré que par une procédure en inscription de faux (art. 895 et suivants, CJ) et, d'autre part, les déclarations des parties mêmes, dont l'administration peut démontrer au moyen e.a. de présomptions ou de témoignages qu'elles ne sont pas sincères (Cass., 20.9.1966, Poels Maria, Bull. 447, p. 2040).

Numéro 340/79

    Il n'y a ni simulation prohibée à l'égard du fisc, ni partant fraude fiscale, lorsque, en vue de bénéficier d'un régime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberté des conventions, sans violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si la forme qu'elles leur donnent n'est pas la plus normale (Cass., 6.6.1961, Brepols, Pas. 1961, I, 1082).

3. Exemples de simulation
Numéro 340/80

    L'assertion suivant laquelle une société déficitaire qui, bien qu'elle ne soit pas mise en liquidation ni déclarée en faillite, était considérée comme une société "morte" du point de vue économique et commercial, et aurait absorbé une société prospère afin de porter les pertes professionnelles des périodes imposables antérieures en déduction du résultat fiscal, ne répond à aucune réalité économique.

    La nouvelle société, en contradiction avec ce qui ressort des actes, n'est pas en fait la continuation de l'ancienne société déficitaire, mais bien de l'ancienne société prospère (Anvers, 2.3.1978, SA International Electronic Service, INES, Bull. 591, p. 50).

    L'administration peut prouver, notamment par présomptions, le caractère fictif des contrats d'emploi invoqués par le contribuable pour justifier la déduction, de ses bénéfices d'exploitation, de sommes prétendument allouées à titre de traitements en exécution de ces contrats (Cass., 29.11.1956, Cinéma Forum, Pas. 1957, I, 326).

    A l'effet de prouver le caractère fictif de documents invoqués par le contribuable pour justifier la déduction, de ses revenus imposables, d'une somme à titre de frais professionnels, l'administration peut se fonder sur des éléments de fait pour en déduire qu'ils forment un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes de la simulation (Cass., 29.11.1956, Jonnaux et Baudet, Pas. 1957, I, 330).

    L'administration est recevable à établir le caractère simulé d'un emprunt obligataire
(Bruxelles, 29.3.1958, SA Etablissements Coppens).

    Pour démontrer qu'un contribuable est demeuré associé d'une SPRL, l'administration est recevable à établir par toutes voies de droit le caractère simulé des transferts ou transmissions de parts mentionnés et signés dans le registre des associés de cette SPRL
(Cass., 13.2.1962, Lambert Aimé, Bull. 391, p. 1750).

    L'administration peut établir par toutes voies de droit qu'en simulant une vente régulière de ses immeubles et en partageant entre les associés l'actif constitué par le produit desdites ventes, une société a en réalité procédé au partage de son avoir social (Cass., 10.12.1963, SA civile Société Immobilière Van Trappen, Pas. 1964, I, p. 387).

    L'acte constitutif d'une société ne fait pas foi de la sincérité de ses énonciations à l'égard de l'administration; la simulation peut en être prouvée par toutes voies de droit et notamment par présomptions (Cass., 27.10.1964, Verjus Constant, Bull. 422, p. 1571).

4. Le contribuable également peut se prévaloir de la réalité
Numéro 340/81

    L'administration refuse à tort de tenir compte d'un acte sous seing privé du fait que celui-ci ne remplit aucune des trois conditions visées par l'art. 1328, CCiv. et n'a, par conséquent, pas de date certaine à son égard; en effet, l'administration n'est pas un tiers au sens de l'article prévisé, dont les dispositions régissent uniquement les rapports de droit privé et non de droit public; lorsque l'administration établit une cotisation, elle est tenue, pour ne pas aller à l'encontre du principe d'ordre public, de tenir compte de la situation réelle du contribuable (Gand, 9.1.1951, Albrecht).

    De même, lorsque l'administration des contributions directes, déterminant la base imposable par présomptions, a notamment tenu compte du prix, mentionné dans un acte ostensible, que le redevable aurait reçu pendant la période imposable pour la vente d'un bien, ce redevable est recevable à prouver par toutes voies de droit que la somme qu'il a effectivement reçue pour prix de vente était d'un montant supérieur (Cass., 20.3.1958, Delafontaine, Pas. 1958, I, 805).



ANNEXE 2

Question de M. Bart TOMMELEIN au Vice-Premier Ministre et
Ministre des Finances sur "la déduction des intérêts notionnels" (n° 13560)
    Bart Tommelein : La loi du 22 juin 2005 instaurant une déduction fiscale pour capital à risque instaure à partir de l'exercice d'imposition 2007 une déduction fiscale correspondant à une part, exprimée en pour cent, du patrimoine propre. Une série de dispositions réduisant le patrimoine propre ont été prises pour prévenir les abus. Ainsi, la valeur comptable d'un logement appartenant à une société mais qui est utilisé à titre privé est portée en déduction du patrimoine propre. Cependant, il n'est pas fait mention des biens à usage tant privé que professionnel, ce qui peut donner lieu à des difficultés d'interprétation.

    Lorsqu'un bien immobilier est utilisé partiellement à des fins privées et professionnelles, la déduction des intérêts notionnels doit-elle être rejetée pour l'ensemble du bien ou seulement au prorata de la partie à usage professionnel ?

    Didier Reynders, Ministre : Si la partie du bien immobilier utilisée à des fins professionnelles est mentionnée clairement et distinctement dans le bilan et les comptes annuels et si son usage n'a pas été cédé à l'une des personnes mentionnées à l'article 205ter du CIR 92, la déduction pour capital à risque peut s'appliquer à la valeur comptable nette de la partie utilisée à des fins professionnelles.

    Si la partie utilisée à des fins professionnelles n'a pas été comptabilisée séparément lors de son acquisition, une telle écriture reste possible sur la base de données concrètes permettant de déterminer la valeur comptable des parties à usage professionnel et privé.



ANNEXE 3

Questions jointes de M. Luc GUSTIN au Vice-Premier Ministre et
Ministre des Finances sur "la déduction pour capital à risque"
(n°s 15064, 15065 et 15066)
    Luc Gustin : Monsieur le Président, mes trois questions concernent la déduction pour capital à risque.

    Monsieur le Ministre, la déduction pour capital à risque est sans conteste une des mesures phares de la présente législature. Appliquée depuis l'exercice d'imposition 2007, elle devra être reprise pour la première fois dans les déclarations qui seront rentrées cet été par les entreprises.

    Bien qu'il s'agisse d'une mesure particulièrement simple, certains points devraient cependant encore être éclaircis afin d'apporter une sécurité juridique optimale au contribuable.

    Premièrement, dans la réponse que vous avez donnée à la question n° 13560 de M. Tommelein, vous avez dit fort justement que pour un bien immobilier partiellement utilisé à des fins professionnelles et privées, la déduction pour capital à risque peut s'appliquer à la valeur comptable nette de la partie utilisée à des fins professionnelles.

    Pour autant que les conditions mentionnées dans votre réponse soient bien remplies, pouvez-vous me confirmer, si besoin en est, que celle-ci s'applique également dans le cas relativement fréquent où le rez-de-chaussée d'un immeuble est entièrement utilisé à des fins professionnelles et où les étages supérieurs le sont à des fins privées ?

    Deuxièmement, dans certains cas, une filiale bénéficiaire d'un groupe international pourrait avoir intérêt à ne pas revendiquer l'entièreté de la déduction pour capital à risque à laquelle elle aurait droit, notamment afin d'éviter l'application des règles CFC à l'étranger. En pratique, l'entreprise choisirait donc volontairement de payer plus d'impôts en Belgique.

    Monsieur le Ministre, pouvez-vous confirmer que, pour une année donnée, une entreprise est en droit de ne pas revendiquer l'entièreté de sa déduction ? Si oui, pouvez-vous m'indiquer quel sera le traitement futur de la quotité de la déduction qui n'aura pas été revendiquée ?

    Troisièmement, l'article 205quater, § 6, du Code des impôts sur les revenus 1992 stipule que le taux de la déduction pour capital à risque est majoré de 0,5 % pour les sociétés qui, conformément à l'article 15, § 1er, du Code des sociétés, sont considérées comme de petites sociétés.

    Monsieur le Ministre, pouvez-vous m'indiquer quels sont les critères qu'il faut prendre en considération pour apprécier si une société peut être considérée comme petite pour l'application de la majoration de 0,5 %.

    Didier Reynders, Ministre : Monsieur le Président, Monsieur Gustin, en réponse à votre première question, je vous communique les éléments transmis par mon administration, comme je l'avais fait pour la première partie la fois précédente.

    En premier lieu, je tiens à préciser que seule la valeur comptable de la partie des biens immobiliers qui n'est d'aucune manière utilisée à des fins privées par les personnes visées à l'article 205ter, § 4, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne doit pas être soustraite de la base de calcul de la déduction pour capital à risque.

    La question de savoir si un rez-de-chaussée commercial est ou non utilisé pour l'usage privé de personnes physiques en cause relève des faits propres à chaque situation, notamment la configuration des lieux, qu'il ne m'est pas possible d'aborder dans cette enceinte mais le principe reste évidemment d'application.

    Pour répondre à la deuxième question, si une société ne revendique pas pour un exercice d'imposition donné la déduction pour capital à risque, celle-ci ne peut être reportée sur les exercices d'imposition ultérieurs.

    En réponse à la troisième question, les critères à prendre en considération sont ceux fixés à l'article 15, § 1er du Code des sociétés, c'est-à-dire que pas plus d'une des limites susmentionnées ne doit être dépassée pour le dernier ou l'avant-dernier exercice comptable clôturé (nombre de travailleurs occupés en moyenne annuelle : 50, chiffre d'affaires annuel hors taxe sur valeur ajoutée : 7.300.000 euros, total du bilan : 3.650.000 et pour autant que le nombre de travailleurs occupés en moyenne annuelle ne dépasse pas 100). Ces critères doivent en outre s'apprécier compte tenu des paragraphes 2 à 5 de l'article 15 du Code des sociétés, comme je l'ai évoqué lors des travaux préparatoires de cette disposition.

    Luc Gustin : Monsieur le Président, je remercie le Ministre pour ces éclaircissements.